Søren, c’est le gars qui n’était pas censé venir au monde un jour. Il n’a jamais été souhaité, tout comme ses demi-frères et sœurs, qu’il ne connaît d’ailleurs pas. De son père, il n’a jamais entendu sa voix ou même vu son visage ; de sa mère, il ne se souvient plus de grand-chose. Cependant, c’était cette personne qui, pour survivre, se soumettait et s’adonnait aux caprices des différents hommes qui venait la voir contre de l’argent. Et pendant un de ces ébats où la capote s’était échappée sous le lit comme pour faire une mauvaise blague, petit spermatozoïde rencontra petit ovule, et paf, un bébé neuf mois plus tard. La maman n’avait pas eu le courage d’avorter.

Elle éleva donc le gamin comme elle le put, aidée des autres demoiselles occupant la charmante maison close. Cependant, ce qu’elles ne savaient pas, c’est que le papa de Søren, c’était un polymorphe, et que l’enfant avait hérité de ses gènes. Lorsque sa première transformation eue lieu -il est à noter qu’elle se déroula beaucoup trop tôt-, les clients de la maison, fort outré de la présence de cet enfant du démon, ordonnèrent à ce que cette ignoble créature soit abattue -ainsi que la malheureuse qui eut le malheur de l’enfanter. Incapable de tuer ou de laisser mourir son enfant, la pauvre femme préféra l’aider à fuir et l’abandonner, laissant un gamin d’environ cinq ans seul, sans personne pour l’aider à comprendre ce qu’il se passait.

Alors, Søren dut se débrouiller pour survivre. Voler à droite à gauche, dépouiller les malheureux qui osaient se trouver sur son chemin. Changer d’apparence, de caractère, d’identité même était devenu le quotidien, à tel point qu’il en oublia qui il était réellement. Des troubles de la personnalité apparurent aussi, plus ou moins à la même époque, mais ça ne se soignait pas, avant -et le jeune garçon ne se rendait même pas compte de ces troubles. Ce n’est qu’un jeu, après tout, un jeu bien dangereux dans lequel le moindre faux pas sonne le game over final.

Et puis, au détour d’une rue, il sut. Il avait toujours pensé être le seul à avoir des capacités fort étranges pour un simple être humain, et l’avait toujours caché. Mais ce jour-là, il vit cette personne devenir un peu plus grande, changer de couleur de cheveux, prendre des formes. Ce jour-là, Søren avait pensé que ses yeux lui jouaient des tours. Et pourtant. Il l’a approché, lui a demandé. Il n’obtint pas de suite la réponse, mais ce qu’il eut le surpris et lui appris ce qu’il était : jamais il n’avait été humain. Il avait toujours été un polymorphe, un « changeur de peau » modifiant son apparence à loisir pour mieux être anonyme. Depuis, il s’est stabilisé, au niveau de ses transformations. Mais pas au niveau de ses troubles.

C’est sur un coup de tête, une envie qu’il décida de se barrer à Vegas, sous son nom actuel. Arrivé sur ce nouveau terrain de jeu, il repère rapidement les Blackwood, encore existants à l’époque, et décide d’y rentrer ; après tout, ça ne pouvait qu’être amusant. Il remplissait les missions qu’on lui demandait, sans se plaindre et en faisant le tout proprement. Mais il est certain que son comportement était à revoir ; dieu seul sait comment le parrain de l’époque a fait pour le supporter et se retenir de lui donner une correction.
Puis il y eu la rébellion des polymorphes. Il y participa, ne pouvant en aucun cas louper un tel divertissement, bien qu’il n’ait absolument rien contre les Blackwood. Il ira même jusqu’à rejoindre les Worth, parce que… parce que.
Il s’est bien amusé, dans cette maison. Seulement, toute chose a une fin, et elle disparut lorsque son parrain périt dans la fameuse bataille pour détruire Alocer -à laquelle notre polymorphe participa, évidemment, c’est rigolo de poutrer du démon. Il fut donc contraint de goûter à la vie de solitaire. Mais il s’ennuya bien vite, ne trouvant pas assez de piment -et son ancienne vie lui manquant. Alors, il décida de rejoindre les O’Reily parce que… parce que. Il avait envie, c’est tout.

Voilà donc l’histoire de Søren, polymorphe qui cherche juste à s’amuser et qui se fiche bien de trahir la famille dans laquelle il est et d’aller voir ailleurs si elle ne lui plaît pas. Après tout, ce n’est qu’un jeu, n’est-ce pas ?