Il était un petit village allemand, paisible et éloigné de tout conflit. Il pouvait se permettre de se situer en pleine forêt grâce à ses fervents protecteurs, des hommes dévoués et capables de défendre les autres envers et contre tout ce qu'il y avait de dangereux. Chacun y était heureux.
Il y avait également une jeune fille qui y avait grandi, elle n'avait rien vu d'autre que lui. Elle y aimait tout le monde, et évidemment ses chers parents. Un père et une mère protecteurs qui l'aimaient de tous leurs cœurs. Le père de la jeune fille était justement un de ces défenseurs. Il avait vaincu des créatures plus incroyables les unes que les autres. La jeune fille aimait les histoires qu'il lui racontait. La jeune fille aimait aussi les fleurs. Elle s'aventurait dans la forêt malgré ses dangers pour aller en cueillir. Elle les offrait à la doyenne, la vieille Brunhilde. C'était une gentille vieille femme qui traitait chaque membre du petit village comme ses petits enfants, toujours souriante. Tout allait bien dans le meilleur des mondes.

Un jour un homme qui crachait du sang arriva au village, tous s'occupèrent de lui comme ils le pouvaient. L'homme passait son temps à dormir, fiévreux. Il était logé chez la vieille Brunhilde et c'était le père de la jeune fille qui veillait sur son sommeil. L'homme malade était pris de démences. Voulant s'enfuir il tua froidement le père de la jeune fille d'un coup de couteau. Une fois retirée la lame ensanglantée il la laissa sur place et partit du village pendant la nuit.
Au levé du jour le père de la jeune fille était mort, ce qui causa la peine de tous. Des larmes chaudes coulaient sur les joues de sa fille. Lorsqu'elle partait cueillir des fleurs elle n'en offrait plus seulement à la vieille Brunhilde mais à son père décédé, de belles fleurs blanches sur sa tombe. Mais la vieille Brunhilde crachait du sang elle aussi. Elle fut emportée par la maladie. Ce fût la première. Le cimetière grandissait de jour en jour, même ceux qui creusaient les trous s'effondraient dans ces derniers.
La jeune fille vit un jour un homme aux cheveux pâles qui étudiait les plantes. De sa main tout aussi claire elle lui offrit des fleurs . Elle lui dit que leur couleurs prenaient de belles teintes dorées une fois mise dans un herbier. Elle ne s'y connaissait pas réellement en fleurs mais elle les aimait. Pour les rendre immortelles elle les laissait tranquillement sécher dans un petit livre. Mais l'homme aux cheveux blancs avait conscience de son état, si elle cessait de sourire elle paraissait morte. La jeune fille hésita à l'emmener au village ; elle avait bien compris que l'homme n'était pas comme les autres et que ce ne plairait pas aux villageois. Les quelques survivants furent d'abord rétissants à son arrivée mais ils n'avaient plus rien à perdre si ce n'était quelques semaines voir quelques jours à vivre.
La jeune fille était toujours plus fiévreuse. Le froid emplissait son corps, le froid de la mort. L'homme aux cheveux blancs était à son chevet, il essaya de la sauver. Ils luttèrent longtemps. La jeune fille avait offert son trésor à son sauveur pour qu'il lui permette de continuer ses recherches, il en aurait plus besoin qu'elle. En dehors de sa chambre les morts continuaient de s’enchaîner. Le traitement que lui procurait l'homme semblait faire peu d'effet.  Elle lui avait demander de lui enseigner l'étude des plantes, qu'elle puisse aider les autres à son tour. Mais l'homme n'avait pas la connaissance de la sauver.
Le corps de la jeune fille devenait lourd de fatigue. Cependant l'un des hommes voulu s'en prendre au médecin dans un élan de démence, la fièvre ayant pris le dessus. C'était en réalité l'un des protecteurs du village. La jeune fille avait alors le corps pétrifié par la maladie, elle ne pu bouger pour cesser le duel. La machette se leva dans le dos de l'herboriste. Les yeux de l'enfant s'ouvrirent en grands, mais le reste de son corps restait paralysé. Un bruit sourd s'échappa de sa gorge serrée, sans pour autant bouger. Seigneur que c'était frustrant de ne pouvoir rien y faire. L'arme s’abattit sur le sauveteur. Elle ne sût ce qu'il s'était exactement passé. Ses membres restaient froids, gelés sur place. Sa vue se troubla et son souffle se coupa définitivement. Puis son cœur qui battait fort dans sa poitrine se figea lui aussi. Elle ne vit rien de la scène qui venait de se dérouler devant ses yeux vides. Seigneur elle voulait y faire quelque chose. Seigneur qu'elle se sentait si inutile, à ne pouvoir empêcher le combat entre deux personnes qui ont fait leurs possibles pour elle. Seigneur elle ne pouvait empêcher la lame d'un homme qui a juré de protéger son village, sa famille, de s'enfoncer dans la chaire de l'homme qui voulait la sauver. Seigneur pourquoi ne pouvait-elle défendre cet homme qui l'aurait sauvé et appris à sauver d'autres vies en retour? Seigneur si seulement elle n'était pas clouée sur ce lit. Seigneur ce qu'elle voulait y faire quelque chose.
Une larme froide coula une dernière fois sur ses joues rouges.


Le froid s’évanouit. Elle ouvrit les yeux, comme enfin soulagée d'un fardeau. Impatiente, elle regarda à son chevet; personne. Elle regarda autour d'elle; elle était sur son lit. Sur son lit de mort.

Elle était seule, une âme en peine errante dans le village mort. Elle pleurait sur la tombe de son père, de sa mère, de la vieille Brunhilde, du bon Dietfried, Eugen et Luise, Magdalène. Tous étaient morts. Le vent balayait les cendres du village, brûlé de fond en comble. Les maisons s'effondraient pour ne laisser que ruines et désolation. Des bêtes ou des hommes voulurent piller le village, la jeune fille les chassa violemment, ne la laissant que plus seule.
Elle avait perdu toutes notions du temps. Après des jours, peut être des semaines, des mois, des années elle comprit qu'elle n'avait plus rien à faire là. Malgré sa mort, elle se sentait toujours faible et souffrante. Il lui manquait quelque chose. Elle prit son courage à deux mains et partit arpenter le monde, transparente aux yeux de tous.  

La jeune fille qui n'était plus vivante depuis longtemps découvrit une grande ville proche de son village. La ville qui avait été détruite par les obus était en reconstruction. Ces immenses bâtiments lui étaient totalement nouveaux. Elle découvrit le monde qui se trouvait pendant des décennies hors de son village natal. Elle s'habitua à Munich, mais sa faiblesse et son immatérialité ne pouvait lui permettre d'en profiter pleinement. Elle voulait explorer. Elle partit pour des pays plus au Sud où elle apprit les bases de leurs langues. Elle avait entendu parler italien et français, mais elle n'avait personne pour le discuter. Elle avait beau être entourée elle était seule. Une barrière se posait entre la jeune fille et le monde ; la vie. Elle était transparente et intangible, elle restait cachée comme elle l'avait toujours fait.

Elle se rendit en France quand débuta la Seconde Guerre Mondiale. Elle était en périphérique de la ville comme elle avait l'habitude de l'être en Allemagne. Elle s’abritait dans une ferme paisible, elle s'y plaisait même bien. C'est là qu'elle décida de se mettre à apparaître de temps en temps. Elle effrayait malgré elle les habitants de ce village. La ferme fut brûlée. Elle s'enfuit pour Paris.
Elle avait un peu le mal du pays, mais elle s'adaptait bien aux modes de vie moderne. De plus, elle appréciait la ville. La vie urbaine ne lui déplaisait pas, même si elle a toujours préféré la campagne.
Quand elle eut appris tout ce qu'elle avait à apprendre, elle voulu explorer des horizons radicalement différents.

Elle arriva sur une autre continent, qu'elle explora. Quand elle mit pied sur cette terre, son instinct lui avait crié de se rendre toujours plus à l'Ouest. Elle se mit à traverser le désert du Nevada. La jeune fille arriva dans une ville de lumière, Las Vegas. L’ambiance ne lui plaisait absolument pas, trop de luxe à son goût, bien que la jeune fille aimait tout ce qui brille. Elle fut emmenée dans un ruelle écartée de la lumière aveuglante. Plus elle la traversait mieux elle se sentait plus libérée, plus légère. Elle leva les yeux une fois devant une boutique. A travers la porte entrebâillée elle distinguait une silhouette familière.

Astrid passa le seuil et vit un homme aux cheveux blancs, en souriant.

-Bonjour Monsieur.